Où en est l’agriculture savoyarde?

                                                               L’agriculture en pays de Savoie                            

                             L’agriculture en France – Spécificités de l’agriculture des Pays de Savoie

1-L’agriculture en France

Pendant très longtemps la France était un pays essentiellement rural et agricole. Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, on constate un exode rural suite à la révolution industrielle. Mais ces départs étaient compensés par la baisse de la mortalité enfantine. Au début du 20ème siècle apparaissent les débuts de la mécanisation avec l’arrivée de tracteurs, de faucheuses ou de moissonneuses mais uniquement dans les grandes régions agricoles de plaine.

A la fin de la guerre 1939/45, la population agricole représente encore le 1/3 de la population de la France.

Après la guerre, il faut reconstruire le pays. La production agricole ne permet pas de nourrir le pays, on doit importer. L’Etat prend des dispositions pour encourager les paysans à produite davantage, on les aide à se moderniser en s’équipant de matériels modernes. L’Europe, dans le cadre de la PAC poursuivra une politique comparable. Parallèlement, l’industrie a besoin de bras et attirent les petits agriculteurs qui délaissent leurs exploitations non rentables, trop petites ou non mécanisables, ce qui permet aux exploitations en activité de grossir en récupérant les terres abandonnées. En même temps, l’emploi d’engrais se développe. Cette politique porte des fruits, si bien qu’en 1992, une nouvelle politique agricole vise à mieux gérer et encadrer la production, qui devenait excédentaire, notamment par la définition de quotas de production qui permettent d’assurer aux agriculteurs une certaine stabilité financière.

L’agriculture a donc largement atteint les résultats qui lui étaient demandés au plan de la quantité. Mais d’autres problèmes sont apparus mettant en doute la qualité des produits. Il y eu la crise de la vache folle, l’épidémie de fièvre aphteuse au début des années 2000, les fromages atteints de listéria, les OGM… Par ailleurs, deux autres phénomènes sont apparus la mondialisation amenant des produits de contre saison et un changement dans le mode de vie des habitants qui consomment de plus en plus des produits préparés industriellement, si bien que les producteurs se trouvent confrontés au diktat des industriels. Et aussi des centrales d’achat des supermarchés.

Au plan des effectifs, le nombre des paysans a fondu. Actuellement, la population agricole ne représente que 3% de la population française. On ne parle plus de paysans mais d’exploitants agricoles. Il n’y a pratiquement plus d’exploitants individuels, surtout dans l’élevage. Il y a des associations d’exploitants, ce qui permet à chacun de pouvoir se libérer de temps en temps. Ces groupements sont des associations de personnes appelés GAEC (groupement agricole d’exploitation en commun).

Mais depuis quelques années, rien ne va plus. Les paysans français se plaignent , ils disent qu’ils n’y arrivent plus et qu’ils doivent vendre leur production en dessous du prix de revient. Faute d’être entendus par les Pouvoirs Publics, ils manifestent, défilent avec leurs tracteurs, répandent du fumier devant les préfectures… Le nombre de suicides d’agriculteurs est alarmant même si on en parle peu car c’est un sujet tabou. Il serait en moyenne de un par semaine.

Trois domaines sont particulièrement menacés : la production de viande de porc, de viande de bœuf et de lait. Mais, il faut observer que le secteur des céréales a aussi des difficultés. En définitive, c’est le vin qui se porte le mieux. Le gouvernement ne semble pas avoir de solutions, sachant que le pire serait que la France perde son agriculture comme elle a perdu une grande part de son industrie.

Cette situation provient d’un certain nombre de causes : politique européenne et suppression des quotas européens en mars 2014 (ils limitaient la production), mondialisation, charges, impôts et taxes trop élevés, contraintes administratives et environnementales importantes et surtout plus grandes en France qu’ailleurs, concurrence de l’Allemagne qui emploie des salariés délocalisés à faible salaire, petite taille des exploitations et insuffisamment mécanisées, embargo russe depuis 2014, diminution des achats par la Chine, concurrence de pays à bas coût, politique des supermarchés étranglant les producteurs, évolution et modification de la consommation des ménages en France et dans les pays voisins ….. Si bien qu’aujourd’hui, la production française n’est plus compétitive dans de nombreux domaines, il faut baisser les prix de vente et les paysans n’arrivent plus à couvrir leurs frais et à rembourser leurs emprunts.

En réponse à ces crises, la Commission européenne maintient le principe de la libre concurrence. Toutefois, le 14 mars et le 11 avril 2016, elle a néanmoins accepté des mesures temporaires dérogatoires aux règles de la concurrence pendant une période de 6 mois. Pour le lait, les producteurs pourront passer des accords pour limiter la production pendant 6 mois et pour le porc des mesures de stockage vont être remises en place. En outre, la Commission européenne a donné à la France un accord de principe pour expérimenter pendant deux ans l’étiquetage de l’origine des viandes et du lait dans les produits transformés. Ce dernier point est important car si le consommateur veut aider l’économie française il pourra le faire en achetant des produits d’origine française, peut-être en payant un peu plus cher mais il le fera en connaissance de cause et il contribuera ainsi à diminuer le nombre de chômeurs et, on l’espère, de réduire la charge de ses impôts.

Ces mesures auront-elles les résultats souhaités par les agriculteurs? Certains en doutent en faisant observer que les agriculteurs français, ne pesant plus guère dans la population, ils n’ont plus de soutien au plan politique et que c’est cette même classe politique qui impose aux agriculteurs des normes plus sévères que celles imposées dans les autres pays. Dans ce cadre, pour se faire entendre, les agriculteurs français en sont réduits à des actions coup de poing et des manifestations sur les routes et en ville. Quant à la grande masse de la population, elle ne connait rien aux problèmes de l’agriculture et , de plus, son niveau de vie stagne et souvent baisse, du fait d’un taux de chômage atteignant un niveau jamais connu jusqu’à présent, elle se précipite sur les produits industriels de bas de gamme, à bas prix offerts par les supermarchés sans mesurer les conséquences qui peuvent en découler pour l’économie du pays. Mais, il y a un mouvement visant à consommer des produits biologiquement sains. Pour le moment, l’agriculture française biologique –ou écologique- est loin de satisfaire la demande. Il existe aussi des « cultures raisonnées » qui sont moins exigeantes que les cultures biologiques.

 

2- Quelle agriculture en Savoie ? Quelles sont les spécificités locales?

5867 exploitations ont été comptées sur les Savoie lors du recensement agricole de 2010, avec respectivement 2750 exploitations en Savoie et 3120 en Haute-Savoie. Leur nombre a baissé de 37% en 10 ans et de 71% en 30 ans.

L’agriculture savoyarde est touchée par la crise actuelle, comme celle des autres régions, mais on constate que les agriculteurs savoyards ne sont pas à la pointe du combat. Certes Paris, c’est loin lorsqu’on veut y aller manifester avec son tracteur. Mais il doit y avoir d’autres raisons qui peuvent découler de spécificités locales.

En effet, la Savoie présente des caractères spécifiques qui la distinguent notamment de celle des grandes régions de production agricole que sont la Normandie, la Bretagne ou le Sud-ouest… C’est une région montagneuse, il n’y a pas de très grandes productions de nature industrielle (notamment d’élevage de porcs), de gros efforts ont été faits sur la qualité des produits et pas exclusivement sur la quantité en se référant à la tradition et au savoir-faire paysan, les circuits de vente sont généralement courts, il y une liaison très forte avec le tourisme en contribuant au développement de l’accueil en milieu rural, sans oublier son rôle primordial dans l’entretien des alpages, afin de conserver une montagne habitée et vivante.

 

2.1- C’est une agriculture en zone de montagne

Les départements de Savoie et Haute-Savoie couvrent une superficie totale de 1 041 600 ha. 80% de cette surface est classée en zone de montagne, dont 50% en zone de haute montagne (à plus de 1600 mètres). L’altitude moyenne de la Savoie est de 1500 m et de 1160 m pour la Haute-Savoie.

Les 4 plus grands lacs naturels de France façonnent aussi les paysages savoyards : lac Léman (en partie), Lac du Bourget, lac d’Annecy et lac d’Aiguebelette.

La surface agricole utilisée des deux départements est de 330 000 ha, elle représente près du tiers (30%) de la surface totale des départements. 85% de la surface agricole est en herbe (en tenant compte des alpages qui font la moitié des alpages de la Région Rhône-Alpes). Le domaine pastoral avec 242 000 ha, couvre 20% de la surface des 2 départements.

Cette vocation herbagère, ainsi que son relief, pays de montagnes et de Piémonts, orientent tout naturellement la Savoie et la Haute-Savoie vers l’élevage.

 

2.2- Il y a de forts handicaps naturels

-L’altitude : Les agriculteurs qui exploitent en zone de montagne doivent surmonter bon nombre de handicaps naturels, à commencer par la rigueur climatique qui raccourcit le cycle végétatif des cultures (d’où des rendements faibles), qui limite le choix des cultures et impose une longue durée d’hivernage pour les animaux.

-la pente: La pente et le morcellement foncier induisent des difficultés de mécanisation. En effet, Les frais de mécanisation, poste de charge élevé, sont plus importants en montagne. Les terrains en pente supposent un renouvellement de matériel plus régulier et l’investissement de machines agricoles adaptées et spécifiques plus coûteuses. 

-Les conditions naturelles rudes impliquent également un surcoût lié à la construction de bâtiments adaptés et résistants au poids de la neige. Et puis, il n’y a pas toujours d’espaces plats suffisants pour construire de grands bâtiments pouvant accueillir 60 ou 100 vaches ou plus (les fermes anciennes n’accueillaient au maximum que 15 vaches). Les handicaps géographiques ont aussi des répercussions sur la collecte et sur les services inhérents à l’élevage (approvisionnements, contrôle laitier, insémination, vétérinaire, conseiller…) et conduisent à un coût supérieur à celui rencontré dans les autres zones. Par ailleurs, si l’on veut que les vaches aient beaucoup de lait, il faut, non seulement bien les sélectionner mais aussi leur donner des compléments alimentaires, c’est-à-dire des céréales qui ne poussent pas en montagne, comme le maïs ou le soja. Il faut donc les acheter.

3- Autres handicaps

–     Emiettement des propriétés : depuis longtemps en Savoie, tant sous le régime sarde que dans les coutumes anciennes, on partageait les héritages entre tous les enfants, y compris les filles. En outre, pour réaliser l’égalité entre les différents lots, on partageait chaque nature de terrains en parts égales car on ne pouvait donner à l’un les bons terrains et les mauvais aux autres. Donc, on donnait à chaque héritier une part de chaque nature de terrains. On le voit encore très biens en regardant les cadastres.

Certes, il y avait des freins à l’émiettement. Il y avait d’abord la part réservataire qui permettait aux parents d’avantager un enfant, souvent le fils ainé qui restait à la maison et dont la contrepartie était de s’occuper de ses parents âgés. Il était d’ailleurs le plus apte à le faire compte tenu souvent du jeune âge des derniers enfants à la mort des parents. Il y avait aussi un retard à effectuer les partages. Ce qui permettait de ne pas avoir à partager avec des héritiers célibataires qui pouvaient mourir, entrer en religion ou partir pour aller chercher fortune ailleurs. Il y avait aussi des arrangements lors des mariages.

–     Par ailleurs, aujourd’hui personne ne veut vendre des terrains   car les terres agricoles en montagne ne valent pas grand chose et surtout, en station, on attend en espérant qu’un jour les terrains deviennent constructibles. Souvent, on les laisse exploiter gratuitement et sans contrat par un voisin en espérant échapper au statut du fermage.

 

2.4- Autres   causes d’évolution :

Urbanisation : l’accroissement de la population des villes entraîne une diminution des terres   agricoles et souvent des bonnes terres.         En 1921,

* la Haute Savoie avait 235000 habitants, elle en a 756000    en 2013

* la Savoie                     225000                                     437000

Selon les prévisions des spécialistes, la population devrait continuer à s’accroître et par voie de conséquence, la pression foncière aussi.

La construction de nombreux logements touristiques ou résidences secondaires diminue la superficie des terres agricoles. A titre d’exemple, la commune de Morzine avait environ 1800 habitants en 1954 avec plus de 80% de paysans. En 2015, elle a presque 3000 résidents permanents et plus un seul paysan, à part un éleveur de chèvres, et il faut payer des paysans de communes voisines pour faire pâturer les alpages du domaine skiable. Les responsables politiques et économiques commencent à se rendre compte que beaucoup de chalets construits pour des résidences secondaires ou pour la location sont en fait très peu occupés, c’est ce qu’on appelle « des lits froids » et qu’il faudrait trouver des formules pour mieux occuper ces lits, et sans doute aussi arrêter d’en construire.

Mécanisation : on a abandonné toutes les terres où les machines ne peuvent aller et la nature a repris des droits, ce qui se voit très bien en regardant les photos d’il y a 50 ou 60 ans.

– Spécialisation : il suffit de se promener dans les vallées pour constater qu’il n’y plus de champs de céréales ou de pommes de terre mais uniquement des champs d’herbes foinés ou broutés. De même, les jardins potagers   sont devenus rares et minuscules.

Alpages : on a abandonné les alpages non accessibles en 4/4. Du fait des normes et du coût du matériel, on ne fait plus le fromage en alpages mais on descend le lait dans des conteneurs réfrigérés pour fabriquer dans la ferme principale ou le livrer à la coopérative. De plus en plus,   on ne monte à l’alpage que des génisses et vaches ne donnant pas de lait.

– Foin : quand on   a beaucoup de vaches, il faut beaucoup de foin, surtout qu’en montagne la période d’hiver est longue (souvent de mi-octobre à fin mai), donc il n’est pas rare que des agriculteurs de montagne louent des terres en plaine, ce qui a le gros avantage que la fenaison ne se fait pas en même temps : première coupe en mai en plaine et fin juin/début juillet en montagne. Bien sûr en respectant les normes des labels. Il faut aussi acheter des compléments alimentaires (maïs , sojas) qui ne poussent pas en montagne.

Les normes sanitaires ou administratives sont de plus en plus contraignantes et souvent plus exigeantes que celles imposées par l’Europe. Ainsi, il est pratiquement impossible de fabriquer du fromage en alpage par manque d’électricité et du coût des installations.

 

2.5- Quels sont les atouts de l’agriculture savoyarde

Entente entre tous les agriculteurs des deux départements   pour n’avoir qu’une chambre d’agriculture. Le salon de l’agriculture organisé à Chambéry les 17,18 et 19 mars 2016, par tous les acteurs des deux départements, avait pour objet de montrer ce qu’est l’agriculture savoyarde aujourd’hui. Vu le nombre de visiteurs, on peut dire que le résultat a été parfaitement atteint.

Recherche de la qualité par l’obtention de labels : ainsi dans les deux départements 90% du lait produit sert à la fabrication de fromages AOC, AOP ou IGP. Tous les labels prévoient la fabrication par du lait local et avec des normes pour la race et la nourriture des animaux (par exemple : pas d’ensilage). Cette qualité du lait permet de le vendre plus cher qu’à des industriels et d’apporter une rémunération équitable (en 2014, la moyenne du département de Haute-Savoie était de 40 centimes le litre, selon des chiffres de la préfecture alors qu’ailleurs les producteurs se sont battus dans l’été 2015 pour un prix de 0,30 euro et actuellement beaucoup ne l’ont pas).

Liens très forts entre agriculture et tourisme : les agriculteurs entretiennent les domaines skiables et le paysage, créent des activités comme les visites et repas à la ferme et, même les emmontagnées ou démontagnées sont des spectacles pour les touristes, il y a aussi les fêtes des alpages ou du fromage…..….

Suppression des intermédiaires : vente directe et circuits courts. Développement des ventes à la ferme ou sur les marchés locaux ou par des magasins de coopératives, notamment aux nombreux touristes. Développement de formules comme les AMAP, la ruche qui dit oui… Ecoulement de fromages sur place dans les restaurants par des recettes de plats au fromage, telles que raclette, fondue, Berthoud, tartiflette, reblochonnade, croûtes au fromage… qui s’accommodent très bien avec la charcuterie et les vins de Savoie et qui font le bonheur des skieurs et des touristes. De nombreux producteurs ou commerçants proposent des ventes par internet. Certains trouvent des formules pour adapter la production pour que les fromages soient mûrs au moment de la présence des touristes, ceci en jouant sur la taille des fromages…

Plus du tiers des exploitations vendent à la ferme, soit le double de ce qui se pratique en France. La chambre d’agriculture     apporte son concours à cette activité, notamment avec le site internet http://www.producteursdesavoie.com/ et par une application sur Smartphone, “Mon panier des Savoie”, qui vient d’être mise en service et qui permet, notamment, de géolocaliser les producteurs pratiquant la vente en circuit court. Elle   a été réalisée avec l’aide du Crédit agricole.

– Existence de nombreuses coopératives ou fruitières mais avec des organisations diverses: gestion complète par les paysans coopérateurs, exploitation des installations confiée à une personne ou entreprise selon des conditions définies   ou société ayant ses propres bâtiments et achetant le lait mais elle doit acheter du lait local si elle veut fabriquer du fromage labélisé.

2.6- Informations sur les activités autres qu’élevage de vaches et fromages

Fromages de chèvres et de brebis   : il existe des troupeaux permettant de produire des fromages qui sont généralement écoulés localement.

Charcuterie de Savoie : beaucoup d’ateliers fabriquent de la charcuterie de qualité bien qu’il y ait peu d’élevages de porcs sur place, donc la viande est achetée en Bretagne ou ailleurs et c’est donc le traitement de la viande qui donne la qualité de la charcuterie.

Moutons mis en estive : Il y a des moutons de race locale Thônes et Marthod mais il s’agit souvent d’importants troupeaux venant du Sud ce qui permet d’utiliser les alpages en haute altitude. Mais là il y   un problème insoluble qui est la présence du loup. S’il fallait appliquer les mesures de gardiennage préconisées par les écologistes, il en découlerait une augmentation de coût de revient qui rendrait intenable la concurrence avec les moutons de Nouvelle-Zélande qui arrivent en France, sans droits de douane (depuis l’affaire du Rainbow Warrior en 1985) et à un prix équivalent à la moitié de celui du mouton français. Ce prix réduit se justifie par le fait que le climat de la Nouvelle Zélande permet de se dispenser de bergeries et les élevages comptent des dizaines de milliers de moutons sur de très grands espaces et sans présence de prédateurs (cf émission du 29 mars 2016 sur D8).

Les vins de Savoie : 600 viticulteurs produisent aujourd’hui des vins à des prix abordables et de bonne qualité attestée par des labels AOC ou IGP. En 2015, le crémant a obtenu l’AOC.

Les forêts occupent le tiers de la surface des départements mais une grande partie des surfaces sont difficiles d’accès – voire impossible – pour les engins modernes de coupe et de transport et sont réparties entre une multitude de petits propriétaires, comme le sont aussi les autres terrains agricoles. La surface moyenne détenue par propriétaire est de 1,8 ha en Savoie et 1 ha en Haute-Savoie, le plus souvent en plusieurs parcelles disjointes. L’atomisation de la propriété est un frein majeur à la gestion de la forêt savoyarde qui est encore largement sous-exploitée, mais des actions sont  mises en place pour structurer et organiser les propriétaires pour contourner ces difficultés, notamment par la création de syndicats communaux ou des groupements de propriétaires forestiers. Mais le combat est difficile car pour la construction les professionnels trouvent plus simple, et souvent moins cher, d’acheter des bois tout prêts à l’usage venant de l’Europe de l’est ou du nord. Pour le chauffage, ça ne va pas non plus car en montagne, on a surtout des résineux qui brûlent plus vite que les bois durs (hêtre, érable, charmille…) et font des dépôts de goudrons dans les conduits de cheminées.

2-7 Les défis du futur

Réchauffement climatique. Le plus évident est la disparition progressive de la neige qui affecte d’abord les stations de moyenne montagne. A cet égard, la préfecture de Haute Savoie a adressé   récemment aux communes une mise garde les invitant à ne pas s’engager dans des investissements inconsidérés ou excessifs.

Les grandes stations sont déjà des villes à la campagne. Beaucoup n’ont plus ou très peu de paysans. Ce mouvement ne peut que se poursuivre.

Evolution de la nourriture par développement de produits de   substitution : aux USA, se développe depuis quelques années de la « viande sans viande » et pas seulement pour les personnes   suivant des régimes sans viande (préparations faite à partir de farine de soja et d’exhausteurs de goût).

Evolution de la société et du mode de vie: pour des mesures d’économie, on constate la disparition des services publics dans les campagnes (poste, école, gendarmerie, magasins, médecins….) sauf dans les grandes stations. En définitive, les paysans seront les derniers habitants. Quels emplois pour les conjoints qui ne veulent pas travailler dans les fermes?

Organisation des travaux agricoles : les fermes à 1000 vaches : c’est inéluctable, d’ailleurs elles existent déjà. Un certain nombre de fermes dans les départements savoyards sont déjà équipées de système de nettoyage des étables et de robots de traite ce qui est économiquement possible dès que le troupeau dépasse 100 vaches à traire. Avec le robot de traite, il n’y a plus   d’intervention humaine, le fermier n’a plus qu’à contrôler sur son ordinateur que tout se passe bien et il dispose de nombreuses informations qu’il n’avait pas avant (quantité de lait par vache, heure de la traite…) et d’alertes (vache ne s’étant pas présentée au robot, qualité du lait…). Il ne manque que la méthanisation des lisiers qui est très coûteuse. Mais, il faut comprendre qu’un troupeau de 120 vaches à traire, ça fait un troupeau total de 250 bêtes avec les génisses et les veaux. Il faut donc de grandes installations adaptées et qui demandent beaucoup de place et dans des terrains relativement plats et ça suppose aussi d’avoir des champs en quantité suffisante pour produire le   foin nécessaire et faire pâturer. Les besoins augmentent si l’on veut installer plusieurs unités de 250 vaches. En définitive, les conditions n’existent pas dans la plupart des villages de montagne surtout qu’il n’est pas envisageable d’en installer là où il y a des touristes. Donc, le nombre de paysans ne peut que continuer à diminuer dans les stations. De plus, avec ces grandes fermes, n’y aura-t-il pas des problèmes avec les labels actuels? Oui, à coup sûr.

Ceci étant, de très grandes fermes industrielles existent, notamment, en Europe du nord et en Allemagne. On a annoncé début 2016 la création en Espagne d’une ferme de 20.000 vaches. Et sur internet, circulent des images concernant une ferme située en Arabie saoudite, occupant 22500 hectares de désert irrigué, avec 15.800 vaches et 18.000 veaux et génisses et produisant 940 000 litres de lait par jour.

Note : il y aussi la crainte de tous ceux qui se préoccupent du bien être des animaux et le risque que les vaches des fermes ne se retrouvent dans la situation des poules pondeuses avec un espace minimum, de la nourriture artificielle et devant fournir le maximum de lait. A noter que cette situation existe déjà quand on sait que dans certains endroits des vaches sont complètement épuisées après deux lactations seulement alors que dans les élevages savoyards on trouve des vaches ayant plus de 10 années de lactation.

2-8 En définitive, dans 20 ans, quelle agriculture aurons-nous? Aura-t-on encore une agriculture? Il est clair que si on conduit une politique de production industrielle et de concurrence à tout va, il n’y aura plus d’agriculture en montagne et même plus du tout d’agriculture en France, qu’il s’agisse d’élevage ou de céréales. En effet, il y aura toujours des pays où le climat et la terre sont plus propices et des gens acceptant de travailler avec des salaires plus faibles qu’en France et néanmoins capables de fournir des produits de qualité acceptable, au besoin en faisant intervenir des aides chimiques. Certes, on peut penser qu’il y aura toujours des « niches », ne serait-ce que pour montrer aux touristes ce qu’était l’agriculture d’autrefois. Pourtant, on   voit dans les concours agricoles des jeunes qui sont encore motivés par le métier et pour reprendre des exploitations. Mais alors que deviendront les beaux paysages de la campagne et de la montagne française?

 

PS : les informations données dans cet article sont celles connues par le rédacteur le 15 avril 2016