Histoire du duché de Savoie

004 tombeau d'Humbert aux Blanches Mains (1)L’état de Savoie s’est créé un peu après l’an mille, à partir de possessions qu’avait, en Maurienne et dans le Viennois, le comte Humbert appartenant à la cour du roi de Bourgogne, vassal de l’Empereur germanique. Le comte  et ses descendants agrandissent progressivement leur territoire des deux côtés des Alpes, surtout par mariages mais aussi au prix de guerres, notamment avec le Dauphiné. Ainsi, ils acquièrent: Val d’Aoste, Chablais, Avant Pays savoyard, Chambéry, Tarentaise, Valais en partie, Pays de Vaud, Piémont en partie, Bresse, Valromey, puis Faucigny et Pays de Gex en 1355, comté de Nice en 1388 et Genevois en 1401 (région Annecy-Saint-Julien sans la ville de Genève). En 1295, le comte achète le château de Chambéry et y installe son administration centrale.

Le règne du comte Amédée VIII (1391-1439), qui vécut beaucoup au château de Ripaille, représente l’apogée de l’état de Savoie par l’étendue de son territoire et par la personnalité du comte. Il était unanimement respecté, si bien que l’empereur germanique lui accorda  le titre de duc de l’empire en 1416. En 1439, il est élu pape à Bâle par des cardinaux opposés au pape de Rome. En 1449, il trouva un arrangement avec ce dernier, démissionna et devint cardinal et administrateur du diocèse de Genève jusqu’à sa mort en 1451. La Savoie connut ensuite une très longue période de déclin à cause de la faiblesse des ducs mais aussi par le contexte difficile qui fait qu’elle se trouve prise dans les ambitions rivales de la France et de l’Autriche et donc dans les guerres d’Italie.

En 1536, pour accéder à l’Italie, François 1er, pourtant neveu du duc Charles III, fait occuper la Savoie par ses armées (y compris la quasi-totalité du Piémont mais non Nice) et, en même temps, le duc perd définitivement le pays de Vaud au profit des Bernois, lesquels occupent aussi le Chablais occidental jusqu’à la Dranse à Thonon et le Valais occupe la partie orientale, y compris les vallées d’Aulps et d’Abondance.
En 1559, le duc Emmanuel-Philibert, grâce à l’appui de l’empereur d’Autriche, récupère les territoires occupés par la France depuis 1536. Mais, il faudra attendre 1567 pour reprendre la partie occidentale du Chablais et 1569 pour la partie orientale mais jusqu’à St Gingolph seulement. En 1563, la capitale de l’état est transférée de Chambéry à Turin, ce qui traduit le fait que la Savoie « de deçà les monts » n’est plus la partie principale de l’état et que le duc voit son avenir en Italie.

Entre 1589 et 1603, de graves conflits éclatent avec la France et Genève. La cause en est que le duc Charles-Emmanuel poursuit le rêve d’agrandir ses états en récupérant la place de Saluces, détenue par la France mais enclavée dans ses états du Piémont, et surtout en conquérant enfin la ville de Genève, elle aussi enclavée dans ses états. Le duc, gendre du roi d’Espagne, espérait avoir son aide et profiter des guerres de religion qui affaiblissaient la France, alliée de Genève. Il s’ensuivit des conflits qui dégénérèrent en guerres surtout à proximité de Genève et dans le Bas Chablais mais aussi en Dauphiné, en Provence, en Maurienne et au Piémont. La Savoie du nord souffrit particulièrement de la présence des armées bernoises et françaises mais aussi de l’armée savoyarde, composée essentiellement de mercenaires espagnols : réquisitions, destructions de récoltes, massacre de Bonne, démolitions de châteaux comme celui de Thonon en 1591, saccage de la ville d’Evian…. En définitive, le duc de Savoie y perdit beaucoup. En 1601, il dut céder à la France tous les territoires situés à droite du  Rhône (Bresse, Bugey,Valromey, Pays de Gex) mais il garda Saluces. C’est à cette époque que se situe la fameuse escalade de Genève. Pour prendre la ville, le duc voulait faire escalader le mur d’enceinte de nuit par ses soldats mais ce fut un échec que les Genevois commémorent encore chaque année (nuit du 21/22 déc. 1602 en Savoie, 11 au 12 à Genève qui n’avait pas encore adopté le calendrier grégorien).
C’est dans les années 1594-1598 que s’illustra François de Sales dans la reconversion  au catholicisme des populations converties de force au protestantisme lors de l’occupation bernoise.
En 1630, la France occupa la Savoie quand le duc voulut faire valoir ses droits sur Montferrat (Piémont) en s’alliant à l’Espagne contre la France. Pour retrouver la Savoie, il dut s’aligner sur la politique de la France.
Lors des guerres de la Ligue d’Augsbourg puis de succession d’Espagne, le duc s’étant rangé du côté de l’Autriche, la Savoie est occupée par la France entre 1690 et 1696, puis de 1703 à 1713. Par le traité d’Utrecht, le duc Victor-Amédée II retrouve la totalité de ses états et reçoit une partie du milanais et surtout la Sicile avec le titre de roi. En 1718, Il doit accepter l’échange de la Sicile par la Sardaigne mais il garde le titre de roi.
De 1713 à 1792, la Savoie connaît une période assez calme au sein du royaume de Sardaigne, si l’on excepte l’occupation complète par les Espagnols de 1742 à 1748, dans le cadre de la guerre de succession d’Autriche.  Le roi s’efforce de moderniser la gestion de l’état et d’améliorer la vie des habitants (cadastre sarde, affranchissement général par les édits de 1762 et de 1771, encouragements à l’agriculture et à l’industrie…).

En 1792, la France  annexe la Savoie et Nice. Joseph Dessaix devient général et dignitaire de l’Empire. 18 autres Savoyards parviennent aussi au grade de général (Chastel, Dupas, Marullaz, Pactod….).
En 1815, le roi de Sardaigne, Victor-Emmanuel 1er, récupère ses états plus le territoire de l’ancienne république de Gênes mais il doit céder Carouge et quelques autres communes à l’Etat de Genève qui entre alors dans la Confédération Helvétique. Dès cette date,  la politique des rois successifs vise à  un état plus centralisé et à prendre la tête du mouvement national italien (risorgimento) de telle façon à faire l’unification du pays autour du    Piémont, en chassant les Autrichiens et les Espagnols de la péninsule. Dans cet état de plus en plus italianisé, la Savoie pèse peu, de l’ordre de 10% de la population. On comprend dès lors que les Savoyards s’y sentent de plus en plus mal à l’aise et c’est tout naturellement qu’on s’achemine vers la réunion à la France qui sera réalisée par le traité du 24 mars 1860, approuvé par plus de 99% des électeurs (hommes âgés d’au moins 21 ans, nés en Savoie ou de parents savoisiens,  domiciliés en Savoie).

Points particuliers

La Savoie et la langue française  : La Savoie a toujours été une terre de langue et de culture française. Jamais on n’y a parlé italien ou piémontais et les comtes, ducs ou rois ne l’ont jamais imposé. Du temps du duc Amédée VIII, on écrivait les textes officiels en latin, on parlait français à la cour et le peuple parlait le savoyard, c’est à dire l’ancêtre du patois actuel issu de la langue des peuples anciens modifiée et enrichie par le latin. Cette langue fait partie du groupe franco-provençal, à côté des langues d’oc et d’oil. Lorsque le roi de France décida en 1539 que le français devait être utilisé dans les actes officiels, les notaires et curés savoyards n’eurent guère de difficultés à appliquer la règle, ce qui montre bien qu’ils connaissaient la langue.  (NB: la France a occupé la Savoie de 1536 à 1559). A noter que la constitution de 1848 reconnaissait que le français était la langue officielle des régions où elle était parlée.

Zones franches et neutralité de la Savoie du nord. L’existence des zones franches a été un sujet important de discussion entre la France et la Suisse au cours des décennies qui ont suivi l’annexion jusqu’au Règlement de Territet (près de Montreux) du 1er décembre 1934. Ces zones avaient été créées pour permettre aux frontaliers savoyards de vendre leurs produits sur les marchés de Genève sans avoir à payer de droits de douane. Pour répondre aux Savoyards demandant le rattachement de la Savoie du Nord à Genève, Napoléon III avait maintenu les zones franches existant alors et il les avait agrandies à une grande partie de la Haute-Savoie (presque tout le département sauf la région d’Annecy). L’application pratique de cette mesure souleva des difficultés et un contentieux soumis à la Cour de la Haye. Finalement en 1934, on parvint à un accord supprimant la grande zone et ne retenant que celle existant en 1815 autour de Genève. Aujourd’hui, cette zone existe toujours même si les bâtiments du « contrôle fiscal » ne sont plus occupés.

Quant à la neutralité de la Savoie du nord, elle avait été prévue par le traité de Vienne de 1815 et reprise en 1860. Les modalités de mise en œuvre n’ont jamais été définies et l’utilité même de cette disposition n’apparaissant plus, la France et la Suisse l’ont  supprimé  en 1919 (cf article 435 du traité de Versailles).